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Le growth hacking, une suite logique du marketing traditionnel ?

Popularisé par Sean Ellis, le growth hacking repose sur des principes comme l'expérimentation rapide et la scalabilité. Des modèles comme le framework AARRR et des techniques comme le A/B testing sont clés. Des hacks célèbres comme ceux de Dropbox et Airbnb ont popularisé le growth hacking à travers le monde.

Contexte historique

Dans les années 2000, la Silicon Valley était déjà un incubateur florissant pour les technologies innovantes et les modèles d'affaires disruptifs. Après l'éclatement de la bulle Internet au début des années 2000, les startups technologiques ont dû trouver des moyens de survivre et de prospérer dans un environnement plus sceptique et moins enclin à investir sans voir de résultats rapides. Cela a créé un terreau fertile pour des approches non conventionnelles en matière de croissance et de marketing.

L'arrivée et la démocratisation des technologies web et mobiles ont également joué un rôle crucial. Avec l'augmentation de l'accès à Internet et la popularité croissante des smartphones, les startups avaient de nouvelles plateformes pour atteindre rapidement des audiences massives à un coût relativement faible.

Les startups, par nature, opèrent avec des ressources limitées — que ce soit en termes de capital, de temps, ou de personnel. Elles ont donc un besoin impérieux de techniques qui peuvent produire des résultats significatifs rapidement. Le growth hacking a été une réponse à ce besoin, en concentrant les efforts sur des tactiques qui peuvent directement influencer les taux de croissance. L'idée était de créer des boucles de rétroaction positives où de petits ajustements dans le produit ou le marketing pouvaient entraîner une grande augmentation de l'engagement des utilisateurs ou des revenus.

Sean Ellis, qui a travaillé avec plusieurs startups réussies telles que Dropbox et Eventbrite, a identifié et conceptualisé une approche qui diffère du marketing traditionnel. Le terme "growth hacking" qu'il a inventé visait à capturer l'essence de ces tactiques axées sur la croissance explosive plutôt que sur le marketing traditionnel qui se concentre souvent sur la construction de la marque à long terme. Ellis a souligné l'importance des objectifs mesurables, des tests rapides et de l'itération constante, des concepts qui sont au cœur du développement agile de logiciels.

Depuis sa formalisation, le growth hacking a été adopté bien au-delà de la Silicon Valley. De nombreuses entreprises à travers le monde utilisent maintenant des principes de growth hacking pour optimiser leurs processus et stimuler leur croissance. Ce concept a également conduit à l'émergence de rôles spécifiques dans les entreprises, comme les "Growth Hackers" ou les "Growth Managers", qui se concentrent exclusivement sur l'innovation en matière de croissance.

Définition et évolution

Le growth hacking de Sean Ellis

Afin de définir le growth hacking tel qu’il a été diffusé dans les années 2010, nous avons choisi de réaliser une synthèse de la définition de Ryan Holiday, dans son ouvrage de 2013, "Growth Hacker Marketing: A Primer on the Future of PR, Marketing, and Advertising". Ecrivain, marketeur et chroniqueur au New York Observer, Ryan Holiday a publié l’ouvrage le plus connu sur le sujet.

Dans cet ouvrage, il explore comment la révolution numérique a transformé les stratégies traditionnelles de croissance des entreprises. Il y dévoile la façon dont le growth hacking, le terme popularisé par Sean Ellis, est devenu essentiel pour les startups et les entreprises cherchant à maximiser leur croissance avec des ressources limitées. Ellis définit le growth hacking comme « un processus d'expérimentation rapide à travers l'ensemble du parcours client pour accélérer la croissance des clients et des revenus », mettant en lumière l'importance cruciale de l'innovation et de l'adaptabilité dans l'économie actuelle.

Holiday illustre l'impact profond de la technologie qui, selon Millar et al. (2018), a « provoqué une perturbation sans précédent dans nos sociétés », non seulement en facilitant les tâches quotidiennes mais aussi en offrant aux entreprises des outils pour maintenir des avantages concurrentiels significatifs. Ce phénomène est particulièrement visible chez des géants tels que Dropbox, LinkedIn et PayPal, qui ont repensé leurs modèles commerciaux autour de l'externalisation et de la scalabilité, se démarquant nettement de leurs concurrents traditionnels.

L'approche de PayPal, par exemple, révèle comment une stratégie apparemment simple peut entraîner des résultats impressionnants. La société a initié un programme incitatif qui récompensait financièrement les nouveaux utilisateurs, accélérant ainsi sa croissance d’utilisateurs. Ce système de récompenses a non seulement stimulé l'inscription de nouveaux comptes mais a également créé une dynamique de croissance auto-entretenue, où chaque nouvel utilisateur devenait un vecteur potentiel pour attirer d'autres utilisateurs. Airbnb a adopté une tactique similaire mais dans un domaine différent; l'entreprise a amélioré la qualité visuelle de ses annonces en investissant dans la photographie professionnelle des logements. Ce simple changement a significativement augmenté le nombre de réservations, prouvant que même des ajustements mineurs peuvent avoir un impact majeur sur la performance commerciale.

Au-delà de ces tactiques spécifiques, Holiday discute des étapes clés du processus de growth hacking qui commence par l'adéquation produit-marché. Cette étape cruciale assure que le produit répond véritablement aux attentes et aux besoins du marché ciblé. Il souligne l'importance pour les entreprises de s'engager dans une recherche continue pour aligner leurs offres avec les demandes des consommateurs, formant ainsi une base solide pour une croissance future.

La recherche d'un 'hack' efficace constitue la seconde étape, où les entreprises doivent être créatives et audacieuses dans leur approche pour capturer rapidement une part significative du marché. Ces 'hacks' peuvent varier considérablement d'une entreprise à l'autre mais partagent un objectif commun : trouver une méthode rentable et efficace pour attirer et convertir le maximum d'utilisateurs ou clients en un minimum de temps.

La viralité joue un rôle prépondérant dans la troisième phase, où Holiday met en lumière l’utilisation stratégique des médias sociaux et autres canaux numériques pour propager le message de l'entreprise. La capacité d'un contenu ou d'une campagne à devenir viral peut considérablement réduire les coûts publicitaires tout en augmentant la portée et l'engagement.

Enfin, la quatrième phase du growth hacking se concentre sur la rétention des clients à travers des stratégies sophistiquées de gestion de la relation client. Holiday note l'importance de l'utilisation des données pour affiner les approches marketing et développer des programmes de fidélité qui encouragent non seulement les clients à rester engagés mais aussi à promouvoir activement la marque dans leurs propres réseaux.

Le growth hacking tel qu'on le défini aujourd'hui

Dix ans plus tard, la définition du Growth hacking est plus pragmatique. En France, des experts comme Benoît Dubos ou Kevin Dufraisse semble s’accorder sur cette définition.

Le growth hacking est une approche du marketing focalisée sur la croissance rapide, principalement utilisée dans les startups et les entreprises cherchant à maximiser leur expansion avec des ressources limitées. Cette méthode se distingue par son utilisation intensive des données, sa créativité, et son orientation vers des résultats mesurables et rapides.

Contrairement au marketing traditionnel qui peut se concentrer sur plusieurs objectifs (notoriété de la marque, relations publiques, satisfaction client, etc.), le growth hacking est exclusivement axé sur la croissance. Cela inclut l'augmentation du nombre d'utilisateurs, l'optimisation des revenus, ou l'amélioration de la rétention des clients.

Les experts du growth utilisent des cycles d'expérimentation rapides avec des boucles de feedback constantes pour tester des hypothèses et adapter les stratégies en fonction des résultats obtenus. Cela est souvent réalisé à travers des tests A/B, l'analyse des parcours utilisateurs, et l'optimisation des entonnoirs de vente.

Les décisions dans le growth hacking sont prises sur la base de données quantitatives et qualitatives. L'analyse des données permet d'identifier les canaux les plus performants, les comportements des utilisateurs, et les opportunités d'optimisation.

Enfin, il ne se limite pas aux techniques de marketing externe; il implique souvent des modifications du produit lui-même pour encourager la croissance, comme l'intégration de fonctionnalités virales ou la simplification du processus d'inscription.

Principes et méthodologies

Principes fondateurs

Depuis son invention par Sean Ellis en 2010, le terme Growth hacking s’est popularisé et professionnalisé. Souvent décrit comme une approche du marketing et du développement produit, ce terme peut être considéré à la fois comme une discipline, une méthode et un ensemble de compétences spécifiques au sein d'un métier.

En tant que discipline, le growth hacking englobe un ensemble de principes, de techniques, et de pratiques centrées sur la croissance rapide des entreprises. Elle repose sur l'utilisation stratégique des ressources disponibles, la maximisation de l'impact tout en minimisant les coûts, et l'innovation continue. Elle nécessite une compréhension approfondie de divers domaines, tels que le marketing, la data science, le développement de produits, et parfois même l'ingénierie.

Néanmoins, il s’agit également d’une méthode, car le growth hacking implique un processus systématique et des stratégies spécifiques pour atteindre et mesurer la croissance. Cette méthode est très axée sur les données et l'analyse, favorisant les tests rapides (comme les tests A/B) et l'adaptation basée sur les résultats obtenus. Le framework AARRR (Acquisition, Activation, Rétention, Référence, Revenu) est un exemple de méthode structurée utilisée dans le growth hacking pour planifier et exécuter des stratégies de croissance.

Enfin, le growth hacking est souvent incarné par les personnes qui adoptent ce rôle au sein de leur organisation, généralement appelées «growth hackers». Ces professionnels combinent les compétences en marketing digital, en analyse de données, en développement produit et parfois en programmation pour orchestrer et exécuter des stratégies de croissance. Ils sont typiquement des penseurs créatifs et analytiques, capables d'exploiter les technologies et les plateformes numériques de manière innovante pour atteindre des objectifs de croissance.

Pour définir les principes fondateurs du growth hacking, on divisera donc cette partie en cinq sous-parties. L’expérimentation rapide, l’usage intensif de la technologie, l’approche orientée données, la scalabilité des solutions et l’interdisciplinarité.

L'expérimentation rapide

Alors que les méthodes de marketing traditionnelles s’appuient sur des campagnes à long terme avec des objectifs fixes, le growth hacking se veut plus flexible en privilégiant une approche itérative et agile. L’expérimentation rapide et continue est donc le pilier principal sur lequel repose toutes les méthodes, stratégies et outils visant à le mettre en oeuvre.

Pour réaliser cela avec succès, l'adoption des méthodes agiles offre une structure optimale. Ces méthodes, issues du développement logiciel, accentuent la flexibilité, l'adaptabilité et l'efficacité dans le déploiement des campagnes de croissance. Dans un environnement où les données sont reçues et analysées en temps réel, pouvoir pivoter sans être entravé par des processus rigides est crucial. Les itérations courtes, ou sprints, caractéristiques des méthodes agiles, facilitent cette réactivité.

Ainsi, lorsque l’on applique les méthodes agiles au growth hacking, on obtient trois étapes que l’on répètera en boucle (itération) pour générer de la croissance. La planification du sprint, l’exécution puis le suivi, et la rétrospective.

Les sprints de growth hacking commencent par une session de planification où les objectifs sont définis clairement. Par exemple, une équipe peut se concentrer sur l'augmentation des taux d'inscription ou l'amélioration des taux de rétention sur une période donnée.

Durant le sprint, les tactiques sont mises en œuvre, des données sont collectées et analysées continuellement pour mesurer l'efficacité de chaque action entreprise. Les outils de tracking et d'analyse jouent un rôle essentiel ici.

À la fin de chaque sprint, l'équipe se réunit pour une rétrospective afin de discuter de ce qui a fonctionné, ce qui n'a pas fonctionné, et comment les processus peuvent être améliorés pour les futurs sprints. Cette étape est cruciale pour l'apprentissage et l'amélioration continue.

L'usage intensif de la technologie

En 2010, le growth hacking nécessitait des compétences en programmation car les outils automatiques et les plateformes spécifiques n'étaient pas encore largement disponibles ou abordables. Les growth hackers devaient fréquemment recourir à des solutions personnalisées, ce qui impliquait de savoir coder pour créer des scripts ou modifier des applications afin de tester et mettre en œuvre des stratégies de croissance. Ces compétences en programmation permettaient d'automatiser des tâches, de collecter des données et de réaliser des intégrations qui n'étaient pas toujours possibles avec les outils de marketing standard de l'époque.

Avec le temps, le marché des logiciels en tant que service (SaaS) a explosé, offrant une multitude d'outils spécialement conçus pour faciliter l’exercice de ce métier. Ces plateformes SaaS couvrent aujourd'hui presque tous les aspects du growth hacking, allant de l'automatisation du marketing à l'analyse de données avancée, en passant par le testing A/B, la gestion des réseaux sociaux, et plus encore. Des exemples de ces outils incluent HubSpot pour l'automatisation marketing, Moz pour le SEO, Mailchimp pour l'email marketing, et Optimizely pour les tests A/B.

Aujourd'hui, il n'est plus nécessaire de savoir programmer pour être un growth hacker efficace, bien que cela puisse toujours être un avantage. Les outils modernes SaaS ont démocratisé l'accès à des tactiques avancées, permettant à des professionnels avec des compétences moins techniques de mettre en œuvre des stratégies complexes. Les growth hackers peuvent désormais se concentrer sur la stratégie, la créativité, et l'analyse des données, plutôt que sur les aspects techniques de la mise en œuvre des campagnes.

L'approche orientée données

L’approche “data-driven” est considéré comme la base du growth hacking par les experts. L’idée est que chaque décision et modification de stratégie est basée sur des données quantitatives et qualitatives pour maximiser l'efficacité des actions de croissance.

Globalement, l'utilisation des données permet aux growth hackers :

  • d’identifier les opportunités de croissance en détectant des tendances et des patterns dans le comportement des utilisateurs
  • d’optimiser les campagnes en continu pour améliorer les performances
  • de mesurer l'efficacité de différentes stratégies pour allouer les ressources de manière plus efficace
  • de personnaliser l'expérience utilisateur pour augmenter l'engagement et la conversion.

La première étape d’une approche orientée données consiste à collecter des données pertinentes incluant les données démographiques et psychographiques pour comprendre qui sont les utilisateurs et quels sont leurs intérêts, les données d'engagement, comme les pages visitées, le temps passé sur le site, et les interactions avec le contenu, les données transactionnelles pour suivre les conversions, les achats, et autres actions clés, et les feedback des utilisateurs à travers des enquêtes, des forums, et des revues.

On va donc chercher à identifier des KPIs (Key Performance Indicators) avant de lancer une action de growth hacking afin d’être en mesure d’analyser l’expérimentation dans une démarche d’amélioration continue.

Une fois les données collectées et KPIS définis, il est possible d’utiliser diverses techniques d’analyse comme l’analyse descriptive pour comprendre ce qui s'est passé à travers des métriques de base comme le trafic ou le taux de conversion, l’analyse diagnostique pour explorer les raisons derrière certaines performances à l'aide de techniques comme la segmentation et le ciblage, l’analyse prédictive pour anticiper les comportements futurs avec des modèles statistiques et de machine learning, et l’analyse prescriptive pour déterminer quelles actions prendre pour atteindre les objectifs de croissance.

Néanmoins, il faut noter qu’il n’est pas indispensable d’utiliser un outil d’analyse prédictive pour être en mesure de réaliser une expérimentation de growth hacking. Les experts incitent à être data-driven car il est nécessaire de prendre des décisions basés sur des données. Mais chaque entreprise doit faire en fonction de son budget. On parle même d’un “mindset” de growth hacker, les technologies sont moins importantes que les expérimentations et les décisions prises à partir des données collectées.

La scalabilité des solutions

Un principe central du growth hacking est la recherche de solutions qui ne sont pas seulement efficaces, mais aussi facilement scalable. Le terme “scalabilité” pourrait se traduire par “passage à l’échelle”. Autrement dit, la capacité d'une entreprise à gérer une augmentation de la demande sans impacter négativement la performance. Pour un growth hacker, cela signifie développer des stratégies et des processus qui peuvent s'adapter et se développer à mesure que l'entreprise grandit.

Cette scalabilité est essentielle pour croître sans rencontrer de barrières ou de limitations dues à ses capacités opérationnelles, pour maintenir une bonne marge de profit en minimisant les coûts additionnels tout en maximisant le reach et l'impact, et de s'adapter plus facilement aux changements du marché ou à l'augmentation rapide de la demande.

On retrouve plusieurs approches utilisées par les growth hackers pour développer des stratégies scalables. La première consiste à automatiser les tâches répétitives et les processus quand cela est possible. Cela permet de gérer des volumes plus importants sans nécessiter de ressources humaines additionnelles. Il est par exemple possible d’automatiser une partie du marketing et des communications client, ou d’utiliser un chatbot pour le service client.

Une autre approche consiste à utiliser les plateformes basés dans le cloud comme Google Cloud ou AWS pour le stockage et le traitement des données afin d’ajuster les ressources de l’entreprise en fonction des besoins actuels sans investissements lourds dans une infrastructure physique. De la même manière, il est possible d’héberger ses sites web et applications sur des serveurs cloud.

S'appuyer sur des partenaires externes pour certains aspects opérationnels peut aussi permettre de scaler rapidement. Externaliser la production, la logistique ou le service client peut permettre d’ajuster ses coûts en fonction de la demande. Il en est de même pour les partenariats avec d'autres entreprises afin d’étendre la portée ou les capacités sans développer en interne.

Enfin, une autre approche concerne directement les produits et services de l’entreprise. En concevant des produits ou services qui sont facilement extensibles sans modifications majeures, on s’assure de pouvoir passer à l’échelle. On pourrait par exemple utiliser des frameworks de développement qui supportent l'extensibilité, ou même concentrer les efforts marketing sur la vente d’un produit digital.

Néanmoins, la scalabilté implique de surveiller des indicateurs clés tels que la capacité à augmenter les revenus sans augmentation proportionnelle des coûts, la facilité d'ajout de nouveaux utilisateurs ou clients sans dégradation de la performance ou de la qualité et la réactivité du système face à des pics de demande.

L'interdisciplinarité

Le growth hacking ne s'arrête pas à une seule discipline ; il englobe le marketing, la technologie, la data science, et parfois même des éléments de design et de psychologie comportementale. Cette approche interdisciplinaire permet d'intégrer différentes perspectives et d'exploiter des synergies entre les compétences pour stimuler la croissance.

Ainsi, plusieurs métiers relatifs au growth hacking ont vu le jour ces dernières années. Jean-Paul Masclet, dans une interview pour innovecteur, propose même une structure idéale qui conviendrait à “une entreprise déjà établie” afin de former une “Growth Team”. Elle serait composée de six métiers différents.

Le Growth Manager ou Head of Growth est le chef d'orchestre de l'équipe. Il possède à la fois des compétences techniques et managériales. Sa responsabilité principale est de définir la vision stratégique de la croissance, recruter et gérer l'équipe de growth, et assurer la coordination et l'alignement des efforts de croissance à travers l'entreprise. Il instaure des rituels d'échanges et des réunions régulières pour maintenir tous les membres de l'équipe synchronisés et focalisés sur les objectifs communs.

Souvent confondu, le Growth Marketer se concentre sur le branding et la valeur perçue de la marque. Contrairement au Growth Hacker, dont l'objectif principal est d'accroître le trafic et les conversions, il travaille sur des stratégies à long terme pour renforcer la reconnaissance et la fidélité à la marque. Cette position requiert une compréhension approfondie du marketing traditionnel et numérique, ainsi que la capacité de travailler en étroite collaboration avec les équipes de contenu, publicité, et relations publiques pour créer une image de marque cohérente et attrayante.

Le Growth Engineer est un développeur avec une orientation spécifique vers la croissance. Ce rôle implique une forte compétence technique pour implémenter des changements dans le produit qui visent à améliorer l'engagement et la rétention des utilisateurs. Il travaille souvent sur des optimisations de produit basées sur des données, des tests A/B, et des innovations qui peuvent directement influencer les métriques de croissance.

Le Growth Designer est crucial dans les équipes matures où le design joue un rôle central dans l'optimisation des parcours utilisateurs et l'amélioration de l'expérience produit. Ce designer spécialisé ne se limite pas à l'esthétique (UI), mais s'engage profondément dans la conception de fonctionnalités, interfaces, et interactions (UX) qui favorisent la croissance. Il collabore étroitement avec les Growth Engineers et Product Managers pour s'assurer que le design soutient les objectifs de croissance.

Le Growth Product Manager est chargé de la croissance du produit lui-même. En s'appuyant sur un processus itératif, ce rôle évalue continuellement les aspects du produit qui peuvent être améliorés pour maximiser la valeur et la satisfaction des utilisateurs. Ce travail implique une étroite collaboration avec les équipes de développement, de données et de marketing pour s'assurer que le produit répond toujours mieux aux besoins des utilisateurs.

Enfin, le Growth Strategist est responsable de la définition et de l'implémentation de la stratégie de croissance globale de l'entreprise. Ce rôle nécessite une vision à la fois détaillée et panoramique des différentes activités de l'entreprise et de leur potentiel de croissance. Il travaille à aligner les objectifs de croissance avec les capacités opérationnelles et les tendances du marché pour s'assurer que l'entreprise reste compétitive et innovante.

Modèles et concepts récupérés

Désormais, on sait que le Growth hacking est régi par un certain nombre de principes fondateurs. Le fait de réaliser régulièrement des expérimentations basés sur des données collectés en amont, le fait d’utiliser des technologies avancées, de mettre en place des solutions “scalables” et le fait de maitriser plusieurs compétences en lien avec le web.

Un autre de ces principes est le fait d’utiliser des modèles et concepts souvent récupérés d’autres disciplines, les plus connus étant le framework AARRR et le testing A/B. Dans cette partie, nous tâcherons de lister et d’expliquer ceux qui sont principalement utilisés.

Le framework AARRR ou “Startup Metrics for Pirates”

L'objectif ultime du growth hacking est de générer une croissance rapide en capitalisant sur les opportunités les plus efficaces. Il n’est donc pas seulement question d’attirer de nouveaux clients, il s’agit de s’intéresser à l’ensemble du parcours client afin de trouver des “quick win”. Sous entendu des actions rapides à impact significatif. Pour s’organiser, un framework a gagné en popularité avec le temps, jusqu’à devenir incontournable dans ce métier.

Le framework AARRR a été introduit par Dave McClure en 2007 lors de conférences et d’ateliers destinés aux startups. À l’époque, il avait dirigé le marketing de Paypal et était investisseur dans plusieurs entreprises de la Silicon Valley. Par la suite, il a fondé le 500 Global, un incubateur qui a propulsé des entreprises comme Canva, Intercom et Udemy aujourd’hui.

En 2007, il présente pour la première fois ce qu’il appelle les “Startup Metrics for Pirates” en raison du nom “AARRR!”. Une conférence impressionnante puisqu’il y explique comment mesurer l’impact des actions marketing en fonction du parcours client d’une manière que l’on utilise encore aujourd’hui. L'idée était de simplifier l'analyse en se concentrant sur cinq étapes clés du parcours client qui sont essentielles pour la conversion et la rétention.

Acquisition : Cela concerne les méthodes par lesquelles les clients découvrent le produit. Les canaux d'acquisition peuvent inclure la recherche organique, les références, les médias sociaux, le marketing de contenu, les publicités payantes, et plus encore. Il est crucial de mesurer le coût et l'efficacité de chaque canal pour déterminer où investir les ressources.

Activation : Une fois les utilisateurs arrivés sur le site ou produit, l'activation se concentre sur leur première expérience positive. Pour une application mobile, cela pourrait être l'inscription ou la première utilisation d'une fonctionnalité clé. Pour un site web, ce serait plutôt l’inscription à la newsletter de l’entreprise. Il est important de s'assurer que cette première expérience est satisfaisante pour encourager une utilisation récurrente.

Rétention : Après l'activation, il est crucial de garder les utilisateurs engagés et de les faire revenir. La rétention est mesurée par la fréquence à laquelle les utilisateurs reviennent et utilisent le produit après leur première utilisation. Améliorer la rétention implique souvent de peaufiner le produit pour le rendre plus utile ou agréable pour les utilisateurs.

Référence : Si les utilisateurs aiment le produit, ils sont susceptibles de le recommander à d'autres. Cette étape mesure comment les utilisateurs actuels aident à acquérir de nouveaux utilisateurs. Les programmes de parrainage, les partages sociaux, et les recommandations sont des aspects clés qu’il est possible d’encourager.

Revenu : Finalement, le framework considère les revenus générés par les clients. Cela inclut non seulement la capacité à monétiser les utilisateurs actuels mais aussi à optimiser les stratégies de revenus pour augmenter la valeur d’un client sur le long terme (Customer Lifetime Value, CLV).

Décomposer le parcours client en ces cinq étapes permet de prendre du recul sur l’ensemble des actions de growth hacking à la portée de l’entreprise. Néanmoins, une erreur commune est de penser que ces étapes se suivent dans l’ordre. L'AARRR identifie chaque étape mais ne les fixe pas dans une chronologie rigide.

Les matrices de priorisation

Comme on peut s’en douter, l’utilisation du framework AARRR permet d’avoir beaucoup d’idées d’expérimentations rapides à mettre en oeuvre pour apprendre de ses utilisateurs et optimiser son taux de conversion. Néanmoins, il est indispensable de prioriser les expérimentations d’une équipe growth en fonction des objectifs longs et courts termes de l’entreprise. L’utilisation d’une matrice de priorisation est donc devenue un outil essentiel dans le quotidien d’un growth hacker.

Plusieurs d’entre elles ont été créées il y a bien longtemps, la plus connue étant la matrice Eisenhower, plus communément appelée la matrice “urgent/important”. Utilisée par le président des Etats-Unis Dwight D. Eisenhower, elle a été popularisée par Stephen Covey dans son livre de 1989 "The Seven Habits of Highly Effective People". L’idée étant de classer ses tâches en quatre catégories. Urgent et important : les tâches à faire immédiatement. Important, mais pas urgent : les tâches à planifier pour plus tard. Urgent, mais pas important : les tâches à déléguer. Ni urgent ni important : les tâches à éliminer. C’est une matrice encore très utilisée en entreprise.

D’autres sont utilisées par les growth hackers comme le modèle Kano développé par le professeur Noriaki Kano dans les années 1980 (besoins de base, besoins de performance, besoins d'excitation, pas d'impact) pour analyser la relation entre la satisfaction des clients et la performance des fonctionnalités d'un produit. Ou la matrice MoSCoW (must have, should have, could have, won't have) développée par Dai Clegg en 1994 lorsqu'il travaillait pour Oracle.

Néanmoins, une matrice particulière a gagné en popularité au début des années 2010, à mesure que les approches de gestion agile et de développement de produit lean se sont répandues dans l'industrie technologique. Elle est utile dans les contextes où des décisions rapides et basées sur des données sont nécessaires pour prioriser des actions qui peuvent avoir un impact immédiat sur la croissance et le succès d'un produit ou service.

Il s’agit de la matrice ICE pour impact, confidence et ease. L'impact fait référence à l'effet potentiel que l'initiative pourrait avoir sur l'entreprise ou sur les objectifs du projet. Cela peut inclure l'augmentation des revenus, l'amélioration de la satisfaction client, ou d'autres indicateurs clés de performance. La confiance mesure le degré de certitude concernant l'évaluation de l'impact et de la facilité. Cela dépend souvent de la quantité et de la qualité des données disponibles pour soutenir l'évaluation ou de l'expérience antérieure avec des initiatives similaires. La facilité évalue à quel point il sera simple de mettre en œuvre l'initiative. Cela peut prendre en compte les ressources nécessaires, le temps requis, et d'autres facteurs logistiques ou techniques.

L’utilisation de cette matrice permet donc à une équipe growth de planifier ses sprints d’expérimentations en faisant voter l’ensemble des collaborateurs concernés sur chacun de ces trois points afin d’aligner l’équipe.

Les landing pages

Quel que soit le canal d’acquisition utilisé par le growth hacker, lorsque celui-ci est sur internet, il est indispensable de faire venir le prospect sur une landing page (page d’atterrissage). Avec l'essor d'Internet et le développement du marketing en ligne, ce concept a gagné en popularité dans le domaine du marketing digital au début des années 2000.

L’idée de cette page web est de respecter deux règles fondamentales. La première est que cette page doit être en parfaite cohérence avec la publicité qui permet d’arriver sur celle-ci. La deuxième est qu’il ne doit y avoir qu’un seul appel à l’action. Un bouton donc, qui incitera à remplir un formulaire de contact, à télécharger un “leadmagnet” en échange d’un e-mail ou à acheter un produit d’appel, mais il faut choisir.

Alors qu’un site internet classique se doit d’être générique puisqu’il comporte plusieurs types d’informations, plusieurs onglets et parfois des produits différents dont le public cible n’est pas le même. La landing page se veut extrêmement personnalisée et sans distraction. Elle permet de cibler spécifiquement une audience ou une offre et elle est optimisée pour une conversion élevée grâce à un message clair, un design ciblé, et un appel à l'action fort.

Comparée à un site internet, développer une landing page est beaucoup plus rapide. Ces dernières années, beaucoup d’outils en ligne en ont même fait leur spécialité en proposant des bibliothèques de templates pour être encore plus efficace. Ces outils répondent à un besoin très important car les landing pages sont idéales pour les tests A/B et autres expérimentations. En effet, les growth hackers peuvent tester différentes versions d'une page pour voir quelles combinaisons de titres, textes, images, et layouts produisent le meilleur taux de conversion.

Et en plus de permettre une analyse précise des résultats de différentes campagnes ou sources de trafic, elles peuvent être utilisées pour segmenter le public selon différents critères, offrant un contenu personnalisé qui est plus susceptible de répondre aux besoins et aux désirs spécifiques de chaque segment. Ainsi, un prospect qui aurait laissé son adresse e-mail sur la landing page d’un produit spécifique, pourrait ne recevoir que des e-mails commerciaux en lien avec ce produit.

Le copywriting

Contexte historique

Le copywriting est l'art d'écrire des textes persuasifs et engageants dans le but de promouvoir un produit, un service ou une idée. Le terme "copywriting" vient de l'anglais "copy", qui désigne le texte écrit à des fins publicitaires ou promotionnelles.

L'origine du copywriting remonte aux débuts de la publicité imprimée au 19e siècle, lorsque les premiers journaux et magazines ont commencé à inclure des annonces commerciales. Les premiers copywriters étaient souvent des journalistes ou des écrivains qui rédigeaient des textes publicitaires percutants pour attirer l'attention des lecteurs et inciter à l'action.

Pourtant ce terme ne s’est pas essoufflé, bien au contraire, ces dernières années il bénéficie même d’une remise en lumière. En effet, dans un contexte où le digital domine de plus en plus les stratégies de marketing et de communication, un copywriting efficace et créatif est essentiel pour se démarquer dans un océan de contenu souvent redondant et impersonnel.

On le retrouve dans plusieurs stratégies modernes. D’abord, le copywriting joue un rôle clé dans la création de messages succincts et captivants qui peuvent facilement être partagés sur les médias sociaux. De plus, les algorithmes des moteurs de recherche comme Google continuent d'évoluer pour privilégier le contenu de qualité et pertinent pour les utilisateurs. Ce qui incite à produire des articles de blog, des newsletters, et d'autres formes de contenu qui attirent et retiennent l'attention des consommateurs.

Mais cela va encore plus loin car aujourd’hui, on fait aussi un lien entre copywriting et expérience utilisateur (UX), notamment dans la façon dont le texte guide, informe et persuade les utilisateurs sur les sites web et applications. Avoir des textes clairs et conviviaux peut significativement améliorer les taux de conversion.

Enfin, pour un growth hacker, l’atout principal du copywriting réside dans la création de messages personnalisés qui résonnent avec des segments spécifiques. À mesure que les technologies de collecte et d'analyse de données se sont raffinées, de nombreuses opportunités de personnalisation ont vu le jour. Il est désormais possible de créer une landing page ou une séquence d’e-mails automatisés par type de client !

Dans la pratique

Contrairement à ce que l’on a pu voir avec l’invention de la matrice de priorisation ICE, les growth hackers n’ont pas inventé une nouvelle manière de faire du copywriting. Le modèle de copywriting le plus utilisé et partagé par les experts a été développé au 19e siècle par Elias St. Elmo Lewis. Il s’agit du modèle AIDA (Attention, Intérêt, Désir, Action). L’idée est d’utiliser ce modèle pour structurer son message publicitaire en quatre parties pour qu’il soit clair, concis et persuasif.

Dans une première partie du texte, on va chercher à attirer l'attention du consommateur. À l'époque de Lewis, cela pouvait signifier utiliser des visuels frappants ou des titres captivants dans les publicités imprimées. Ensuite, on va chercher à garder l'intérêt du consommateur en fournissant des informations convaincantes qui sont directement pertinentes pour lui. Puis de convaincre le consommateur qu'ils désire le produit ou service et que cela satisfera son besoin. Enfin, on va inciter le consommateur à prendre une mesure spécifique, comme effectuer un achat ou contacter le vendeur pour plus d'informations.

Avec le temps, plusieurs théoriciens ont fait évoluer ce modèle en ajoutant la satisfaction (AIDAS), la rétention (AIDAR) ou la conscience (AIDCAS) mais aucune de ces variantes n’est devenue plus populaire que le modèle initial.

Néanmoins, comme on a pu le souligner pour l’utilisation des outils permettant de réaliser le métier du growth hacker, le plus important n’est pas d’utiliser un modèle particulier comme AIDA mais plutôt de trouver celui qui convient à ses préférences. De plus, ces modèles de copywriting ne s’oppose pas à des concepts marketing plus classiques comme les cinq objections de base (Je n'ai pas assez de temps, pas assez d'argent, ça ne fonctionnera pas pour moi, je ne vous crois pas, je n'en ai pas besoin), bien au contraire, un bon growth hacker va chercher à mélanger ces concepts pour optimiser son taux de conversion.

Plusieurs growth hacker avoue avoir une préférence pour le modèle PAS (Problem, Agitate, Solution) dont on ne connait pas l’origine. Ici il s’agit de commencer par identifier un problème spécifique que rencontrent ses clients. Cela crée un lien émotionnel immédiat car le client se sent compris. Ensuite, d’intensifier le problème en parlant de ses conséquences et de l'inconfort qu'il génère. Cela augmente l'urgence de trouver une solution. Enfin, de présenter son produit ou service comme la solution au problème agité, en décrivant comment il peut facilement et efficacement le résoudre. Bien qu’il puisse paraitre moins éthique, on comprend assez facilement pourquoi ce modèle est persuasif.

Pour finir, il semble important de souligner que le copywriting ne s’applique plus seulement à un texte sur une publicité ou une landing page. Par exemple, il est possible d’utiliser le modèle AIDA sur l’ensemble d’un tunnel de vente. Aujourd’hui, il est courant de voir des publicités qui ne vendent rien sur les médias sociaux. Ces publicités cherchent simplement à attirer l’attention sur un problème que vous pourriez avoir. La landing page qui suivra cette publicité aura pour objectif de développer votre intérêt pour ce problème, en proposant de télécharger un livre blanc sur le sujet par exemple. Puis on cherchera à faire augmenter votre désir de trouver une solution à ce problème avec une séquence d’e-mails automatisés et d’autres contenus à forte valeur ajoutée. Enfin, on vous incitera à l’action avec une nouvelle publicité ou un e-mail contenant une offre qui, à ce stade, sera considérée comme irrésistible.

La LTV et le CAC

Comme on a pu le voir précédemment avec le framework AARRR, la focalisation sur la rétention des consommateurs est un élément clé de la différence entre le growth hacking et le marketing. Dans un contexte où le modèle SaaS (Software as a Service) s’est imposé comme le plus rentable, il n’y a rien d’étonnant à cela.

Lancé en 1999, l’outil de solutions CRM (Customer Relationship Management) Salesforce, pionnier de ce modèle, en est un des premiers exemples réussis. Imité par Microsoft en 2011 avec le lancement d'Office 365, ou même par Adobe en 2013 avec l’Adobe Creative Cloud, ce modèle a l’avantage d’être scalable et de permettre une meilleure prévision de ses revenus à moyen et long terme.

Après sa fondation en 1999, Salesforce a levé plusieurs tours de financement avant son introduction en bourse en 2004. Ces investissements ont été cruciaux pour démontrer la viabilité du modèle SaaS. A cette période, les cycles d'investissement “capital-risque”, qui était devenu partie intégrante de l'économie des startups depuis les années 1980, se sont diversifiés. Désormais, il pouvait inclure différentes phases comme le démarrage "early stage", mais aussi les phases "seed" (amorçage), et les tours de financement de suivi ("follow-on funding").

C’est alors que la LTV (Life Time Value) s’est imposé comme l’indicateur de performance parfait lorsqu’il est couplé au CAC (Coût Acquisition Client). Le concept de LTV a émergé de la discipline du marketing direct dans les années 1980 et a justement été popularisé par l’invention de systèmes de gestion des relations clients (CRM) dans les années 1990.

La formule de base pour calculer la LTV est la suivante :

LTV = Valeur moyenne de la transaction × Nombre moyen de transactions par période × Durée moyenne de la relation en périodes

Pour les entreprises ayant un modèle d'abonnement, surtout celles dans le secteur des SaaS, il est souvent utile de calculer la LTV en intégrant la marge bénéficiaire et le taux de désabonnement (churn rate) :

LTV = (Revenu moyen par utilisateur × Marge bénéficiaire) / Taux de Churn

Pour un growth hacker, optimiser la LTV n'est pas seulement un objectif financier, mais aussi un principe directeur qui influence toutes les stratégies et tactiques mises en place pour stimuler la croissance. Sachant que l'acquisition de nouveaux clients coûte souvent plus cher que la rétention des existants. En mettant l'accent sur l'augmentation de la LTV, les tactiques de rétention deviennent cruciales.

Se focaliser sur la rétention dans le but d’augmenter la “valeur vie client” se traduit donc par des stratégies comme l'amélioration du service client, l'offre de produits ou services complémentaires(upselling, cross-selling), et la mise en œuvre de programmes de fidélité.

Le A/B testing

Les premières formes de tests comparatifs remontent au début du 20e siècle dans le domaine de la psychologie et de l'agriculture pour des expériences scientifiques. Ronald A. Fisher, un statisticien britannique, a introduit les principes de design expérimental dans les années 1920, qui sont à la base des tests A/B modernes.

Le concept d’A/B testing a commencé à être utilisé en marketing dans les années 1950 et 1960, notamment dans le marketing direct (mailings postaux, par exemple), où deux versions d'une publicité ou d'un appel à l'action étaient envoyées à différents segments de la base de clients pour observer quelle version entraînait le meilleur taux de réponse.

Avec l'avènement d'Internet et le développement du marketing numérique dans les années 1990 et 2000, c’est devenu une pratique courante, notamment en raison de la facilité avec laquelle il est possible de mener des tests en temps réel et de mesurer précisément les résultats.

Dans les années 2010, les growth hacker se sont emparé de cette technique et elle en est devenu un élément central de la pratique de ce métier. L'A/B testing a évolué pour inclure non seulement des tests simples de deux versions, mais aussi des tests multivariés (plusieurs variables testées simultanément) et la personnalisation, où les contenus sont adaptés en fonction du comportement des utilisateurs.

Les growth hackers utilisent ces tests pour expérimenter rapidement avec de multiples éléments sur une page web ou dans une application pour déterminer les combinaisons les plus efficaces pour améliorer les performances et la croissance. Ils sont utilisés non seulement pour optimiser les taux de conversion mais aussi pour comprendre les préférences des utilisateurs et améliorer l'engagement et la rétention des utilisateurs.

Aujourd’hui des outils de test plus sophistiqués ont facilités l'adoption des tests multivariés. Des plateformes comme Optimizely ou Google Optimize permettent aux utilisateurs de mener des tests multivariés sans avoir besoin de compétences avancées en programmation.

Les hacks populaires

Comme le soulignait Ryan Holiday dans sa définition du Growth hacking en 2013, cette discipline suppose de trouver des “hacks”. Autrement dit, des tactiques créatives et souvent astucieuses qu’une entreprise peut utiliser pour stimuler sa croissance de manière significative. Ces hacks tirent souvent parti des plateformes existantes, exploitent des psychologies comportementales, et innovent dans l'usage des données et de la technologie.

Avec le temps, certains hacks sont devenus très populaires comme ceux de Dropbox et Airbnb. Ces exemples ont permis de rendre “sexy” le métier de growth hacker. Des personnalités comme Oussama Ammar avec l’incubateur The Family, ou Grégoire Gambatto avec l’agence Germinal, ont pu profiter de ces belles histoires pour évangéliser ce métier en France.

Dans cette section, nous nous efforcerons d'expliquer certains des hacks les plus populaires.

Hotmail : Signature "PS I Love You"

L'un des premiers exemples de growth hacking a été utilisé par Hotmail à la fin des années 90. Hotmail a ajouté une ligne de signature à chaque e-mail envoyé par ses utilisateurs qui disait "PS I Love You. Get your free Email at Hotmail." Ce simple ajout a transformé chaque e-mail envoyé en une publicité gratuite pour le service, entraînant une croissance virale.

Dropbox : Parrainage et stockage gratuit

Dropbox a utilisé un système de parrainage où les utilisateurs gagnaient de l'espace de stockage gratuit pour chaque nouvel utilisateur qu'ils invitaient. Ce hack non seulement a réduit le besoin de dépenser en publicité coûteuse, mais a également encouragé les utilisateurs existants à promouvoir activement Dropbox, créant ainsi un effet viral.

Airbnb : Intégration avec Craigslist

Dans ses premiers jours, Airbnb a permis aux utilisateurs de poster leurs annonces de location non seulement sur Airbnb mais aussi automatiquement sur Craigslist, une plateforme beaucoup plus grande à l'époque. Ce hack a permis à Airbnb d'exploiter l'énorme trafic de Craigslist pour rediriger les utilisateurs vers Airbnb, augmentant considérablement sa base d'utilisateurs.

LinkedIn : Importation d'e-mails

LinkedIn a encouragé les nouveaux utilisateurs à importer leurs contacts par e-mail lors de l'inscription. Cette tactique a permis de connecter rapidement les utilisateurs avec leurs connaissances, augmentant l'utilité de la plateforme pour chaque utilisateur et incitant à une croissance rapide du réseau.

Facebook : Tagging et notifications

Facebook a encouragé les utilisateurs à "taguer" leurs amis dans les photos, ce qui a envoyé des notifications aux personnes taguées. Chaque notification était une incitation pour les utilisateurs tagués à revenir sur la plateforme, augmentant ainsi l'engagement et la rétention des utilisateurs.

Twitter : Suggérer qui suivre

Pour améliorer la rétention des utilisateurs, Twitter a commencé à suggérer des comptes à suivre lorsqu'un nouvel utilisateur crée un compte. Cela a aidé les nouveaux utilisateurs à trouver immédiatement de la valeur dans la plateforme, augmentant ainsi les chances qu'ils restent engagés.

Uber : Exploitation des événements

Uber a souvent utilisé des promotions ciblées lors de grands événements ou perturbations (comme les grèves de transport). En offrant des réductions ou en augmentant la disponibilité pendant ces périodes, Uber a attiré de nouveaux utilisateurs qui ont pu essayer le service sous des conditions favorables.

Ces hacks illustrent comment le growth hacking utilise des approches non conventionnelles pour atteindre une croissance rapide. Néanmoins, ils reposent souvent sur une compréhension profonde de la plateforme cible, des comportements des utilisateurs et des opportunités technologiques pour maximiser l'impact tout en minimisant les coûts. Malgré l’aspect magique de ces histoires, il s’agit du résultat de plusieurs expérimentations après la mise en place des principes, modèles et concepts expliqués précédemment.

Nos suggestions

Introduction

Le concept de « growth hacking » a émergé au début des années 2000 dans la Silicon Valley, transformant radicalement la manière dont les startups envisagent le marketing et la croissance. Mais qu'en est-il en France ? Quelle place occupe aujourd'hui le « growth » dans les stratégies des équipes marketing françaises ?

Enquête auprès d'experts en «Growth»

Notre enquête sur le growth hacking a d'abord échoué auprès des responsables marketing, mais a réussi avec des experts du growth. Ces experts soulignent que le storytelling autour des hacks populaires a souvent fait oublier les méthodes rigoureuses du growth hacking. Aujourd'hui, ils préfèrent le terme «Growth Marketing» pour refléter une approche systématique et analytique.

Le Growth marketing, en complément du marketing d'image de marque

Le growth marketing moderne serait en fait une conjugaison des approches traditionnelles de l'image de marque et des stratégies de croissance issues d'Internet. Nos experts nous permettent d'y voir plus clair sur les réelles activités de ces deux approches. Une organisation marketing efficace nécessite souvent un Chief Marketing Officer (CMO) et un Growth Manager pour jongler entre branding et growth, sans avoir peur de déléguer lorsque l'on manque de ressources en interne.

Conclusion

Notre enquête a révélé que si le terme « growth hacking » suscite encore des malentendus et des attentes irréalistes, ses principes fondamentaux sont souvent intégrés dans les pratiques marketing actuelles. Les experts interrogés, issus de diverses entreprises innovantes comme Growth Society, Typeform et Too Good To Go, ont souligné l'importance d'une approche méthodique, basée sur l'analyse de données et l'optimisation continue.