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Enquête auprès d'experts en «Growth»

Notre enquête sur le growth hacking a d'abord échoué auprès des responsables marketing, mais a réussi avec des experts du growth. Ces experts soulignent que le storytelling autour des hacks populaires a souvent fait oublier les méthodes rigoureuses du growth hacking. Aujourd'hui, ils préfèrent le terme «Growth Marketing» pour refléter une approche systématique et analytique.

Déroulement de notre enquête

L'émergence du growth hacking à l'ère d'Internet

Suite à nos recherches, il semblerait que le growth hacking serait un prolongement naturel du marketing traditionnel, adapté à l'ère d'Internet.

Là où le marketing traditionnel se concentre principalement sur la notoriété de la marque et la sensibilisation de ses produits par le biais de canaux classiques tels que la publicité télévisée, la radio, et l'affichage. Avec l'avènement d'Internet, les méthodes de marketing ont évolué pour tirer parti des nouvelles technologies et des données disponibles en ligne.

Le growth hacking combine des méthodes et des principes empruntés à d'autres disciplines avec des approches numériques modernes, parfois en privilégiant l'efficacité au détriment du soin apporté à l'image de marque. Puis en s’appuyant sur des données analytiques et des tests A/B pour optimiser les campagnes en temps réel.

Des entreprises comme Dropbox et Airbnb illustrent parfaitement cette transition, ayant utilisé des méthodes de growth hacking pour déterminer des « hacks » leur permettant d’atteindre une croissance rapide grâce à des stratégies virales et des incitations à l'inscription.

Le terme s’étant largement répandu auprès du grand public et voyant des experts affirmer que cette discipline n’est pas réservée qu’aux startups, nous supposons qu’après son invention il y a 14 ans, les équipes marketing françaises se sont inspirées du growth hacking pour évoluer.

Nos difficultés à obtenir des avis de responsables marketing expérimentés

Il nous semblait donc intéressant d’étudier l’impact du growth hacking sur les stratégies des PME françaises. L’idée étant de comprendre comment les équipes marketing se sont approprié les méthodes et principes prônés par le growth hacking. Cela en interrogeant des responsable marketing expérimentés qui ont vécu ces changements dans leur organisation.

Malgré notre démarche proactive, notre tentative d'interviewer des responsables marketing expérimentés dans des PME n'a pas été couronnée de succès. Nous avons utilisé divers canaux de communication comme LinkedIn, les plateformes des anciens élèves de notre école, et d'autres réseaux professionnels pour entrer en contact avec ces experts.

Sur les 60 à 80 personnes contactés, seulement deux d’entre elles ont répondu, et toutes étaient négatives. Les raisons invoquées comprenaient des affirmations telles que « je ne suis pas familière du growth hacking » ou « nous avons seulement des actions de lead gen ».

La « Lead generation », qui consiste à générer des prospects via une landing page, nous a intéressés. Cependant, cette personne n'a pas donné suite.

Cette expérience nous a fait réaliser que le growth hacking n'est peut-être pas aussi intégré et compris dans le cadre du marketing traditionnel, comme nous l'avions initialement supposé.

En outre, cela révèle une possible lacune dans la sensibilisation et l'adoption des méthodes de growth hacking dans les pratiques courantes de ces entreprises. Néanmoins, la réponse faisant un lien entre growth hacking et génération de prospects nous a laissé penser qu’une partie des activités de cette discipline a impacté les entreprises française.

Succès des interviews avec des spécialistes du growth hacking

Suite à notre première expérience infructueuse, nous avons formulé une nouvelle hypothèse : le growth hacking est perçu comme une discipline distincte nécessitant une expertise spécifique. Par conséquent, nous avons changé de cible pour nos interviews, en nous concentrant sur des professionnels spécialisés en growth hacking.

Cette fois-ci, l’objectif n’était plus de connaitre l’impact du growth hacking sur les entreprises, mais plutôt de comprendre quel place il pouvait avoir dans une équipe marketing. Ce changement de stratégie a porté ses fruits. Nous avons reçu beaucoup plus de réponses en un temps relativement court.

Les professionnels du growth hacking, souvent plus jeunes et plus engagés dans les nouvelles technologies et méthodologies, se sont montrés plus ouverts à partager leurs expériences et leurs connaissances. Cette démarche nous a permis de recueillir des données riches et pertinentes, que nous allons détailler dans les sections suivantes de notre mémoire.

Nous avons interviewé quatre personnes durant des entretiens semi-directifs d’environ 1h chacun.

Rémi Bouet, co-fondateur de l’agence Growth Society et ancien Head of Growth de l’agence Germinal. Il nous a permis d’y voir plus clair sur le terme « growth » et sur ce que ses clients comprennent de cette discipline. De plus, il nous a partagé ses difficultés d’une précédente expérience pour monter une équipe d’acquisition chez St Gobain.

Louis du Pré, indépendant depuis 2 ans et demi, et spécialiste des sujets de SEO, SEA, contenu sur LinkedIn et growth. Il nous a partagé sa vision et son expertise en acquisition. Louis ne se considère pas comme un growth hacker, pour lui c’est de la sémantique, pourtant il semblait en avoir adopté tous les principes. Notamment sur le fait d’expérimenter et d’être focalisé sur les données pour itérer de manière rapide et intelligente.

Nicolas Grenié, Developer Advocate chez Typeform, un outil SaaS très populaire dont le siège social est à Barcelone. Avec Nicolas, nous avons souhaité comprendre à quel point le marketing intervenait dans le développement produit et si le terme « Growth » était encore utilisé. Il nous a confirmé qu’une équipe growth a existé mais plus aujourd’hui, et que l’équipe produit et constamment en lien avec l’équipe marketing.

Georges Abi-Heila, aujourd’hui consultant en growth et marketing, et ancien Head of Growth pour Too Good To Go, eFounders et Sunday. Georges nous a partagé sa vision sur l’évolution de cette discipline en France et sur le véritable rôle d’un Chief Marketing Officer (CMO) aujourd’hui.

Les résultats obtenus montrent l'importance croissante du growth hacking dans les entreprises modernes et son rôle crucial dans l'accélération de la croissance et de l'innovation. Cette réussite souligne non seulement la nécessité de cibler les bons interlocuteurs pour obtenir des informations précieuses, mais aussi l'évolution du paysage marketing où les approches traditionnelles et les nouvelles stratégies de croissance coexistent.

En approfondissant notre compréhension grâce à ces experts, nous pouvons mieux appréhender comment le growth hacking s'intègre dans les structures organisationnelles actuelles et comment il transforme les pratiques pour répondre aux défis contemporains.

Popularisation et confusion

Influence des pionniers et livres célèbres

La popularisation du growth hacking a été grandement influencée par des pionniers comme Sean Ellis et Ryan Holiday, dont les ouvrages ont contribué à diffuser largement le concept. Sean Ellis, qui a popularisé le terme, décrit dans son livre "Hacking Growth" en 2017 comment des entreprises peuvent utiliser des stratégies axées sur la croissance rapide et durable. Ryan Holiday, dans "Growth Hacker Marketing", explore comment les techniques de growth hacking peuvent transformer les startups en succès retentissants.

Selon Rémi Bouet, ces publications ont non seulement éduqué un large public sur le growth hacking mais ont aussi contribué à des attentes parfois irréalistes concernant ses résultats. Les gens ont souvent mal interprété le concept, pensant qu'il s'agissait de solutions rapides et magiques plutôt que de processus systématiques et rigoureux. Cela a mené à une certaine confusion et à une dilution du terme, où le growth hacking est souvent utilisé de manière interchangeable avec des concepts plus traditionnels de marketing numérique.

Lorsque l’on a interviewé Nicolas Grenié à propos du growth hacking, sa première réaction a été de nous demander de redéfinir ce terme, en nous demandant si cela avait un rapport avec le « hack » de rétention de Dropbox. Une preuve supplémentaire que le terme s’est répandu par son storytelling en omettant les méthodes et principes qui étaient prônés.

Évolution des tendances et perception du public

Les tendances de recherche sur Google montrent une croissance exponentielle de l'intérêt pour le growth hacking au cours des dernières années, suivie par une certaine stagnation. Cette évolution indique que le concept a atteint un pic de popularité avant de se stabiliser, suggérant que le terme a peut-être perdu de son attrait initial.

En France, des entités comme The Family et l'agence puis organisme de formation Germinal ont joué un rôle clé dans la popularisation du growth hacking, en offrant des formations et des services spécialisés. Cependant, cette popularité a parfois conduit à des attentes démesurées de la part des entreprises, qui s'attendent à des résultats rapides sans comprendre les efforts et les compétences nécessaires pour les obtenir.

Selon Rémi Bouet, Germinal, initialement positionnée comme une agence de growth hacking, a rapidement déchanté face aux attentes irréalistes suscitées par cette appellation, où chacun espérait une idée miracle propulsant les affaires de 0 à 1 million en un clin d'œil. En réalité, la clé réside dans une mentalité analytique et méthodique : il s'agit de comprendre profondément son marché, identifier précisément sa cible et son persona, et cerner comment ces individus pensent et consomment.

L'acquisition efficace passe par une réflexion stratégique sur les canaux d'accès à ces personnes et par des itérations constantes, testant et ajustant les approches pour optimiser les résultats. C'est cette approche rigoureuse et méthodique, bien loin des fantasmes de raccourcis magiques, qui forge le véritable succès en growth hacking nous disait Rémi lors de son interview.

Malentendus et clarifications par les experts

Les malentendus autour du growth hacking ont été clarifiés par les pionniers du growth hacking eux-mêmes. Ryan Holiday, écrivain de « Growth Hacker Marketing » mais aussi journaliste chez Observer, a interviewé Sean Ellis à propos de ces confusions. Ensemble, ils ont souligné le fait que beaucoup de gens passent à côté de la véritable définition du growth hacking. Ellis explique que le growth hacking ne consiste pas simplement à trouver des astuces ou des hacks rapides, mais à adopter une approche méthodique et scientifique pour tester et optimiser constamment les stratégies de croissance.

Les listes de hacks populaires, comme celle présentée par Digital First, montrent des exemples réussis, mais ces succès sont souvent le résultat d'expérimentations rigoureuses et d'analyses approfondies. En clarifiant ces points, les experts tentent de recentrer le débat sur l'essence même du growth hacking : un processus continu d'innovation et d'optimisation basé sur des données concrètes. Cette clarification est essentielle pour aligner les attentes des entreprises et des professionnels avec la réalité des pratiques de growth hacking.

Louis Dupré rajoute que le terme "growth hacking" a été galvaudé après que quelques personnes aient trouvé des idées incroyables, rendant le mot tendance. Rapidement, beaucoup ont tenté de reproduire ces succès, réalisant ensuite que ce qu'ils faisaient n'était pas du growth hacking. Pour lui, ce ne sont que des mots et de la sémantique, et l'important n'est pas de se retrouver autour d'un concept précis. Le hacking, c'est un individu intelligent qui identifie des failles humaines, observe des biais comportementaux et choisit de les exploiter, orientant les choses différemment. Ainsi, avec très peu, on peut accomplir beaucoup.

L’abandon d'un mot pour retrouver du sens

Sémantique et perception du mot «hacking»

Le terme « hacking » évoque souvent des images de bricolage, de solutions temporaires et de techniques non conventionnelles. Dans le contexte du growth hacking, cette connotation peut être trompeuse et mener à des malentendus. « Hacking » suggère une approche improvisée, non structurée, voir illégale. Ce qui est à l'opposé de la méthodologie systématique et analytique que prône le growth marketing. Par conséquent, de nombreux professionnels du domaine préconisent l'abandon du terme au profit de termes plus précis et moins connotés négativement.

Dans son interview, Georges Abi-Heila nous explique que le terme « growth hacking » est souvent associé à des notions de « quick win » et de « hacks », ce qui tend à dévaloriser les métiers du growth et du marketing aux yeux de beaucoup.

Que cela soit justifié ou non, cette perception est difficile à changer lorsqu'elle est largement répandue. C'est pourquoi on parle aujourd'hui simplement de « growth » ou « growth marketing », le mot « hacking » ayant disparu.

Il arrive fréquemment que des clients aient des attentes démesurés en prenant contact avec lui ou même avec Rémi Bouet, mais selon eux, cela dépend de l’expérience de la personne en face avec ce domaine.

Georges confirme qu’aujourd’hui on utilise des titres tels que Growth Manager, Head of Growth, Growth Lead, ou Growth Associate car la notion de hacking évoquait une forme de bricolage dans l'esprit des gens, alors que ce métier comporte certes un aspect exploratoire similaire au hacking, mais aussi une dimension systématique, rigoureuse et analytique qui est souvent négligée.

Rémi Bouet ajoute : « Je n’entends plus le mot growth hacking aujourd’hui, plus personne n’ose dire ce mot ».

Il nous paraît donc important dans la suite de ce mémoire de parler de « growth marketing » ou simplement de « growth » pour désigner la discipline au centre de nos recherches.

« Je n’entends plus le mot growth hacking aujourd’hui, plus personne n’ose dire ce mot ».

L'impact des hacks populaires et des outils SaaS

Les hacks populaires ont contribué à la perception que le growth hacking se résume à des astuces isolées pour booster rapidement la croissance.

En effet, cette vision réductrice associée à l’image que l’on a d’un “hack” omet l'aspect stratégique et à long terme du growth marketing. Par exemple, l'essor des outils SaaS (Software as a Service) a permis d'automatiser et de standardiser de nombreuses techniques autrefois considérées comme des hacks.

Des plateformes comme HubSpot et Marketo offrent des solutions complètes d’automatisation du marketing qui intègrent des fonctionnalités de growth marketing sans le côté "bricolage". Cette évolution vers des outils sophistiqués et tout-en-un enlève l'aspect artisanal du growth hacking, le rendant plus professionnel et systématique, et éloignant ainsi le terme "hacking" de son sens original.

Très récemment, Benoît Dubos, fondateur de Scalezia et expert du growth marketing en France, partageait sa liste d’outils Marketing sur LinkedIn. De la même manière, Jordan Chenevier-Truchet, ex CMO de Germinal, nous partageait sa liste d’outils il ya quelques mois. C’est une pratique largement répandu chez les experts et cela illustre bien le fait que les outils SaaS ont remplacés les compétences en programmation qui étaient nécessaires pour réaliser ce métier il y a plus de 10 ans.

Confusion entre acquisition et croissance

En se concentrant sur des termes comme "growth" et "growth marketing", l'accent est mis sur les méthodes d’expérimentation, d’analyse de données et d’itération. Néanmoins, nous constatons qu’il existe une confusion fréquente en France entre le growth marketing et l'acquisition de nouveaux clients.

De nombreux professionnels en France semblent réduire le « growth » à une série de canaux d’acquisitions pour attirer rapidement de nouveaux clients, en oubliant que l'idée originale inclut également des modifications légères et des expérimentations continues sur tout le parcours client pour maximiser la croissance durable. Cette réduction peut mener à des stratégies de croissance moins efficaces et à une perte des opportunités offertes par l’approche originel du growth hacking, qui nécessite une collaboration interdisciplinaire, une étude du parcours client dans son ensemble et un accent sur la rétention des clients existants.

Il est possible que cette confusion soit liée à l’évolution du terme passant d’un marketing de « hack » à un marketing de croissance. Cela expliquerait pourquoi nous avions reçu une réponse d’une responsable marketing expérimentée comparant « lead gen » et growth hacking.

Dans la prochaine partie, nous tâcherons donc de retranscrire ce que nous ont appris les experts que nous avons interrogé afin de clarifier la réelle place que peut avoir le growth dans une organisation marketing.

Nos suggestions

Introduction

Le concept de « growth hacking » a émergé au début des années 2000 dans la Silicon Valley, transformant radicalement la manière dont les startups envisagent le marketing et la croissance. Mais qu'en est-il en France ? Quelle place occupe aujourd'hui le « growth » dans les stratégies des équipes marketing françaises ?

Le Growth hacking, une suite logique du marketing traditionnel

Popularisé par Sean Ellis, le growth hacking repose sur des principes comme l'expérimentation rapide et la scalabilité. Des modèles comme le framework AARRR et des techniques comme le A/B testing sont clés. Des hacks célèbres comme ceux de Dropbox et Airbnb ont popularisé le growth hacking à travers le monde.

Le Growth marketing, en complément du marketing d'image de marque

Le growth marketing moderne serait en fait une conjugaison des approches traditionnelles de l'image de marque et des stratégies de croissance issues d'Internet. Nos experts nous permettent d'y voir plus clair sur les réelles activités de ces deux approches. Une organisation marketing efficace nécessite souvent un Chief Marketing Officer (CMO) et un Growth Manager pour jongler entre branding et growth, sans avoir peur de déléguer lorsque l'on manque de ressources en interne.

Conclusion

Notre enquête a révélé que si le terme « growth hacking » suscite encore des malentendus et des attentes irréalistes, ses principes fondamentaux sont souvent intégrés dans les pratiques marketing actuelles. Les experts interrogés, issus de diverses entreprises innovantes comme Growth Society, Typeform et Too Good To Go, ont souligné l'importance d'une approche méthodique, basée sur l'analyse de données et l'optimisation continue.